Jimmy Cortada, doctorant et para-cycliste
Nos étudiants
Issu d’un milieu ouvrier, Jimmy se pensait destiné à une carrière de handballeur ou de mécanicien automobile. 15 ans plus tard, il écrit une thèse et participe à des compétitions de paracyclisme nationales et internationales. Retour sur un parcours pas tout à fait tracé…

Un doctorat en sciences de gestion, ce n’était pas tout à fait ce à quoi s’attendait la famille de Jimmy Cortada à son adolescence. À l’âge de 13 ans, il est repéré dans son club de handball et est invité à poursuivre en sport-étude au CREPS de Dijon, en Bourgogne – mais ses parents refusent. « Ils ne pensaient pas que je pourrais réussir à allier sport et études… Ils ont eu tort ! » nous raconte Jimmy.
À 20 ans, alors qu’il travaille en tant que mécanicien automobile, il est victime d’un terrible accident de moto qui le plonge dans le coma et lui laisse des séquelles au dos et à la jambe gauche. « Cet accident, c’est l’histoire d’une vie. Il faut vivre avec. Ça ne se voit pas, mais à l’intérieur il y a une déficience. » nous précise-t-il.
Comment a débuté ta carrière de cycliste ?
« J’ai commencé à rouler sur les conseils de mon kiné. Sur un vélo il n’y a pas d’impact et on est auto-porté donc c’est un sport doux. Et c’est avec ce sport que j’ai retrouvé le goût à l’effort. Le vélo a véritablement été pour moi une rééducation physique et psychologique. Aujourd’hui, je m’entraine entre 10h et 20h par semaine au sein du club Teyran Bike. »
Quel est ton palmarès ?
« L’année dernière (2020, ndlr), j’ai remporté le général de la coupe de France sur piste. J’ai aussi obtenu la place de vice-champion de France de la poursuite individuelle sur piste et j’ai terminé 4e au Championnat de France sur route, à l’épreuve de course en ligne. En mai 2021 j’étais à Ostende (Belgique) pour une manche de coupe du monde handisport, où les meilleurs cyclistes mondiaux sont réunis. Malheureusement il y a eu une grosse chute collective dès le premier tour, je finis 13e. Ça fait partie du jeu, je reviendrai plus fort et déterminé ! »


Quel est ton rapport avec le monde du handisport ?
« Le handisport, c’est vraiment une famille. On appartient à un milieu qui nous correspond et dans lequel on se retrouve. On partage tous la même passion pour le sport, mais aussi les mêmes galères liées à notre handicap.
Mais avant d’y rentrer, il y a une phase d’acceptation à passer. Il faut accepter et reconnaître le handicap. C’est pour ça qu’au début, je me disais que ce n’était pas pour moi. Finalement, avec le temps, j’ai envisagé cette possibilité et en réalité, ça a contribué à ma reconstruction. Et je n’ai vraiment aucun regret.
Aujourd’hui je vais encore plus loin car je suis responsable de la section handisport du club Teyran Bike. On participe donc à la visibilité du club, on développe les partenariats, on recherche des sponsors… »
Quel est ton parcours scolaire et universitaire ?
« Mon parcours scolaire n’est pas commun. À 18 ans, j’étais mécanicien automobile avec un CAP de mécanique marine acquis en Corse. Ensuite, après avoir travaillé des années en tant que commercial, je décide de reprendre des études, sauf que je n’avais pas de BAC et il m’en fallait un pour entrer en Licence.
“Je suis issu d’un milieu totalement ouvrir, personne n’a fait d’études dans mon entourage, ni mes parents ni mes amis. Dans la famille, le BAC ça n’existait pas.”
Finalement, j’ai visé un Bac pro Vente, je me suis inscrit en candidat libre, et je l’ai eu, l’année de mes 26 ans. Dans la foulée, j’ai embrayé sur un DUT Techniques de Commercialisation en formation continue sur un an au lieu de deux. Je l’ai eu aussi. »
Et finalement tu es rentré à l’université…
« Effectivement. Après de grandes négociations avec mes parents, j’ai donc repris mes études à 27 ans. J’ai choisi de rentrer en première année de Licence Gestion à Corte, la seule université de Corse. Ça a été une révélation. Ma vie a commencé à ce moment-là. J’ai pu me construire psychologiquement, physiquement. Il m’a fallu énormément de courage pour me lancer là-dedans, car mes parents et mon entourage ne pouvaient pas du tout m’aider.
“Les étudiants de 17 ans ne se rendent pas forcément compte de ce qu’ils ont. Pour moi, c’était vraiment un honneur que d’accéder aux études supérieures.”
Donc j’ai fait deux an à Corte, et j’ai intégré ma 3e année à l’université d’Aix-en-Provence pour un parcours en comptabilité/contrôle de gestion. Puis j’ai fait un Master 1 Contrôle de Gestion à l’IAE de Toulon, et le Master CGAO parcours ACI (Audit et Contrôle Interne) à Montpellier Management, en parallèle du Master REM (Recherche et Etudes en Management). »
Quel est le sujet de ta thèse ?
« Je travaille sur l’économie circulaire au niveau micro-économique. Je réalise des études de cas sur des entreprises qui ont intégré l’économie circulaire dans leur développement, et je vais voir comment ils peuvent mesurer ces efforts et suivre ces résultats à travers des tableaux de bord.
Je me penche en réalité sur le système de pilotage de l’entreprise, donc d’un point de vue comptabilité et contrôle de gestion. Et je vais voir comment ces services-là contribuent à instaurer l’économie circulaire au sein d’une entreprise, comment on peut le développer et, in fine, le mesurer. C’est bien de dire qu’on contribue à la nature, mais c’est hyper difficile de le mesurer, et donc de le prouver. Je voulais faire une thèse qui ait vraiment un sens, qui corresponde à mes valeurs et qui s’inscrive dans la société actuelle. »
Ce n’est pas trop compliqué d’allier l’écriture d’une thèse et le sport à haut niveau ?
« J’ai toujours eu un entrainement soutenu, même avant ma thèse, et j’ai toujours validé mes différents diplômes (DUT, Licence, double Master). Je ne pense pas que ça puisse avoir une incidence sur le fait de mener à bien mes travaux, bien au contraire. Je pense que ça contribue à ma réflexion et à mon équilibre pour avancer. Le vélo m’aide beaucoup à réfléchir, à me recentrer, à prendre du recul. Quand on est 3 ou 4 heures sur le vélo on a du temps ! Je considère que c’est un bon équilibre. »
Du coup, quels sont tes projets pour la suite ?
« Finir la thèse et être enseignant-chercheur. A Montpellier, je ne me fais pas trop d’illusion, les places sont chères ! Donc j’envisage de partir à l’étranger. Je n’ai pas beaucoup de limites. Là où le vent me portera et où les opportunités m’ouvriront des portes. »

Quel conseil donnerais-tu à un étudiant ?
« Par rapport à mon parcours, et si des personnes pourraient s’identifier à moi, je dirais qu’il faut vraiment rester focus sur ce qu’on veut faire et ce qu’on veut devenir.
Mais surtout il faut croire en soi. Ce n’est pas facile et ce n’est pas permis à tout le monde de la même manière, mais c’est vraiment la base de tout et de toutes les réussites. Tout s’apprend, tout se développe. Il faut aimer ce qu’on fait, avoir de l’ambition, du courage. Tout est possible. »
Nous souhaitons une bonne continuation à Jimmy, qui a fini 2e en valide lors des Championnats Régionaux d’Occitanie du 6 juin 2021 ! Félicitations !
Retrouvez Jimmy sur Facebook : https://www.facebook.com/jimmy.cortada
Et sur instagram : https://www.instagram.com/jimmy.ctd/
2 juillet 2021 : Moma-COM