Fulgence Ouedraogo : « C’est ma dernière saison au MHR ! »

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Scoop pour la Promotion de Master 1 du Sport et des Loisirs ! Avant même ses déclarations aux médias nationaux (comme l’Equipe), Fulgence Ouedraogo annonce qu’il prendra sa « retraite sportive » à l’issue de la saison. L’occasion rêvée de faire avec « Fufu », l’enfant du Pic Saint Loup, un tour d’horizon sur sa riche carrière et de ses perspectives à court terme. Les étudiants mènent l’interview avec un grand sportif d’une rare simplicité.

Fulgence Ouedraogo Montpellier Management

Ewen : « Bonjour, je m’appelle Ewen, je vais vous poser une question par rapport à l’actualité rugbystique. On sait que vous étiez resté sur 10 victoires consécutives, à part cette défaite contre Castres- et donc, pour la fin de la saison, quelles étaient vos ambitions et vos objectifs cette année ? »

Fulgence : « On sait que dans le Top 14 même si on est dans les premières places, il y a des phases finales. Donc, déjà, c’est accéder à ces phases finales et être dans les 6 premiers. Maintenant on va jouer une demi-finale directement donc être dans les 2 premiers à la fin c’était notre objectif de cette saison régulière (NDLR : Montpellier-Bordeaux Bègles à Nice)»

Cyril : « Comme vous venez de le dire, vous étiez 2e du Top 14 et la saison dernière vous étiez plus vers le bas de tableau comment vous expliquez ce changement dans l’équipe ? »

F. : « Un changement d’entraîneur, un changement de management, de façon de coacher et surtout de manager l’équipe je pense que ça nous a fait du bien. Il y a une saison compliquée avant où dès le premier match on a une défaite à domicile et derrière, il y a un manque de confiance. Il y a aussi le fait que les autres équipes se disaient « bah à Montpellier il y a un coup à jouer, donc elles se préparaient peut être mieux en venant chez nous et on a eu beaucoup de points perdus dans les dernières minutes. Des scénarios qui ne nous ont pas été favorables.
Au contraire cette saison on a des fins de match qui sont favorables, on a plus d’assise à domicile et ainsi on renvoie une image qui est plus dure, donc les équipes ont plus de stress, et nous, on va dire, on est plus libéré donc cela fait beaucoup.
Donc cela a été quelque chose de difficile c’était une saison vécue durement par tout l’effectif, mais je pense que le collectif s’est forgé. »

Céline : « Je voulais savoir un petit peu pour revenir au début de votre carrière, comment vous avez commencé le rugby et qu’est ce qui a fait que ce projet est devenu sérieux ? »

F. : « J’ai commencé le rugby assez jeune, à 6 ans, mais vraiment par hasard, je ne savais rien de cette discipline. J’ai en effet été adopté à l’âge de 3 ans, je suis arrivé en France tout petit du Burkina Faso, donc pas un pays de rugby à la base et j’ai atterri dans cette école de rugby ou de suite je me suis fait beaucoup d’amis. Amis qui le sont toujours comme François Trinh-Duc. Donc ça c’est la belle histoire !
Véritablement être un professionnel pour moi, c’est arrivé sur le tard je suis resté à cette école de rugby jusqu’à l’âge de 17 ans. A partir de 17 ans je suis arrivé à Montpellier, en professionnel, avec une autre ambition, une structure différente et l’esprit de compétition.
Au bout de 2 ans à Montpellier, j’ai évolué très rapidement dans les échelons et la 2e année j’ai joué un premier match en équipe première. Egalement, j’ai été sélectionné en Coupe de France des moins de 18 ans et c’est là où véritablement il y a eu un déclic. C’est là où je me suis dit : « tiens pourquoi pas essayer d’aller voir le haut niveau si j’en suis capable ». Je faisais des études, je ne savais pas vers quoi me tourner donc voilà… je me suis dit ça peut être une solution pour moi.
Je me suis ensuite donné les moyens, j’ai travaillé dur, je me suis rajouté les entraînements personnels chez moi ou en vacances. Et en 2 ans tout s’est très vite enchaîné pour moi je suis passé de cette école de rugby, monde amateur, à un monde professionnel. »

« J’avais le projet de grandir avec ce club, cette ville et aussi de pouvoir écrire l’histoire du club »

Fanny : « J’aimerais savoir comment se passent vos journées type au rugby vos entraînements… »

F. : « Elle est modulable en fonction des matchs que l’on a le samedi ou le dimanche. Ainsi, la semaine va être modifiée. On a lundi, où c’est une journée de régénération qui est plus tournée vers la récupération du match du samedi avec le matin de la récupération, du cardio. Puis l’après-midi, un peu d’entraînement basé sur le prochain match à venir et aussi la stratégie où on voit un peu tous nos plans de jeu pour le week-end, mais à très faible allure.
Le mardi en règle générale c’est notre grosse journée, c’est là où on enchaîne une séance séparée avant/arrière. Une séance de musculation derrière l’après-midi et on a une séance collective également l’après-midi et de la récupération en fin de journée. Mercredi, c’est entre nous, la journée « off » où la matinée est dédiée aux soins et ceux qui veulent travailler en plus, mais il n’ y a rien d’obligatoire.
Le jeudi, on remet tout en place, l’entraînement est basé sur la vitesse, les actions pour s’entraîner au match à venir et c’est souvent sous forme d’une journée continue. Donc, on va commencer la journée par la musculation, vers la puissance. L’après-midi plutôt dédiée au retour vidéo, si les coaches en ressentent le besoin ou sinon de la récupération. Le vendredi, on arrive à la fin où l’entraînement est là pour répéter une dernière fois notre gamme, être précis dans ce qu’on fait sans opposition, sans contact, juste être rapide pour être prêt. Le samedi le match et le dimanche on nous laisse « en off » ».

Vladimir : « On sait que vous pratiquez un sport dans lequel il faut avoir la forme olympique et donc au niveau de la nutrition, suivez-vous un programme spécifique ? »

F. : « Dans la semaine, on a la chance de pouvoir avoir les petits déjeuners et les repas de midi au club. On est également suivi par un diététicien qui nous prépare les repas avec un chef en fonction de la semaine pour que ce soit différent par rapport à l’approche du match. Donc tout ceci est calculé, mais c’est vrai que l’on essaie de manger varié, équilibré afin d’avoir l’apport suffisant pour pouvoir enchaîner.
Le jour du match, le repas c’est soit du saumon, du poulet, des pâtes et des patates douces.
A la maison, chacun fait comme il le sent donc… Si du travail est fait au club, cela serait dommage de tout gâcher le soir avec des chips.
Moi j’essaie de faire des journées sans viande. Pas parce que je suis forcément dans la cause animale, mais parce que je trouve que ça me fait du bien au niveau de mon poids et de la santé. C’est quelque chose que j’ai découvert sur le tard, mais qui me permet de gratter un peu plus de performances. Voilà, j’essaie de manger plus souvent et équilibré, mais pas trop de féculents. Aussi, j’ai un peu de chance, je n’ai pas trop de variations de poids, donc je n’ai pas trop de souci de ce côté-là. »

Laurine : « Est-ce que vous avez un rituel avant les matchs, une action que vous répétez systématiquement avant d’entrer sur le terrain ou avant le match ? Que ce soit personnel ou collectif ? »

F. : « Collectivement, on a toujours le même échauffement, mais avant le match on a une préparation individuelle en fonction du joueur. Il y a les buteurs : ils entrent plus tôt sur la pelouse et vont aller taper dans le ballon plusieurs fois pour trouver les sensations. Certains joueurs vont faire des courses sur le terrain ou alors attraper des ballons, d’autres restent dans le vestiaire. La préparation sera ensuite plus athlétique sous forme d’étirement, un peu de musculation pour se mettre en route et derrière on a l’entrainement collectif qui est toujours le même. Le match, il démarre quasiment à ce moment-là.
Après pour aborder le match ça dépend de chacun. Il y en a qui écoutent de la musique, sont un peu dans leur bulle, certains restent un peu seuls et d’autres sont plus décontractés en parlant, rigolant… tout en restant un minimum sérieux. Puis à un moment donné, le besoin de se sentir en groupe, en équipe, est là et les leaders prennent la parole, donnent les derniers conseils avant le match pour la préparation, pour l’état d’esprit qu’il faut mettre sur le terrain, les points stratégiques qu’on a vu la semaine pour les avoir en-tête. »

Thomas : « Vous avez fait toute votre carrière au MHR, vous êtes capitaine, vous avez fait plus de 15 ans ici, est-ce que vous avez eu envie de découvrir une autre expérience ? »

F. : « Oui, c’est vrai que le fait de rester dans le même club aussi longtemps, c’est de plus en plus rare et difficile. Mais moi, j’ai eu cette chance, donc je ne regrette en rien et au contraire je suis très fier. Après j’ai eu des propositions de partir, notamment quand j’étais très jeune et que Montpellier se battait pour le maintien. Mais au final je suis resté. J’avais le projet de grandir avec ce club, cette ville, et aussi de pouvoir écrire l’histoire du club. C’est quelque chose qui m’a beaucoup apporté et qui m’a poussé à rester toutes ces années en voyant la progression du club. J’ai fait des choses extraordinaires que je n’aurais peut-être pas vécues dans un autre club. J’ai eu la chance de pouvoir qualifier le club, de jouer des finales et aussi remporter le premier titre européen du club. Egalement, être international. Donc ce sont des choses qui sont marquantes. »

Pauline : « J’aimerais savoir quel était le moment le plus marquant de votre carrière ? »

F. : « C’est difficile de répondre. Comme je le disais j’ai grandi avec ce club et il y a beaucoup de choses… On va dire que la saison 2010-2011 m’a particulièrement marqué. On sortait d’une saison difficile, on avait l’habitude de vivre avec Montpellier en bas du classement pour ne pas descendre et là, on s’est battu pour se qualifier pour la première fois dans l’histoire du club, pour jouer des phases finales. Et on est arrivé jusqu’en finale ! Donc il y a eu la demi-finale à Marseille avec nos supporters montpelliérains. En plus le match était palpitant avec beaucoup de rebondissements et cela restera un souvenir gravé dans ma mémoire (NDLR : 26-25 contre le Racing Métro).
Derrière, il y a eu un notre premier match de Coupe d’Europe à la Mosson : un grand moment pour l’histoire du club. Après il y a eu d’autres souvenirs avec l’équipe de France : Coupe du monde 2011 en finale, c’est une bonne aventure pour nous, et en 2009 où on a gagné les All Black (27-22). Nos 2 victoires au Challenge européen sont quand même très belles aussi ! »

« Pour moi c’est ma dernière saison donc j’essaie d’en profiter un maximum »

Hawa : « Vous avez eu quelques blessures, et j’aimerais savoir comment les gérer ? »

F. : « C’est toujours compliqué de gérer une blessure ! Déjà parce que quand on est blessé, on est un peu à l’écart du groupe, on ne vit pas les mêmes semaines, on ne s’entraîne pas avec ses coéquipiers et on a des horaires différents. On doit être parfois dans le centre de rééducation avec des médecins. Ce sont des périodes où l’on se sent un peu isolé et seul, et mentalement c’est très compliqué. Il faut être fort pour revenir d’une longue blessure. Moi j’ai eu une blessure en 2013, où me suis fait opérer de l’épaule et derrière cela, j’ai une infection donc il a fallu réopérer un mois après. C’était une blessure longue et j’ai eu des séquelles pendant plusieurs années. Et même encore maintenant. Donc, il y a toute la période où il faut essayer de travailler pour revenir et les sensations ne sont pas les mêmes, ton corps ne réagit plus pareil. Il faut garder le moral, ce n’est pas évident, ce sont des situations difficiles, mais il faut travailler et ne pas perdre le cap pour retrouver ses coéquipiers dans les meilleures conditions. »

Axelle : « Je voulais savoir comment vous gérez votre célébrité, votre notoriété au quotidien ? »

F. : « Au quotidien, je ne sais pas si c’est la gérer, mais je le vis plutôt bien. J’ai commencé très jeune et à 18 ans je jouais avec des joueurs dont j’étais fan à la base. J’avais la chance de jouer avec eux. Et après est venu le temps où c’était l’inverse. Après, à Montpellier on a quand même une chance d’être dans une ville qui est très sportive. Il y a beaucoup de grands sportifs donc on se fond un peu plus dans la masse que dans d’autres petites villes comme Castres ou Brive où chaque personne nous parle de rugby. Ici je vis normalement, je vais faire une course, je me balade en ville et voilà. Si je fais 2-3 photos, c’est agréable, mais il y a pas plus de pression que ça ».

« On sait que vous arrivez à votre fin de contrat en 2022 avec le MHR, est ce que vous avez pensé à une prolongation de contrat ? Ou une reconversion ? »

F. : « Pour moi c’est ma dernière saison donc j’essaie d’en profiter un maximum. C’est difficile de se dire que tout ce que j’ai connu depuis mes 18 ans va s’arrêter. Mon quotidien va changer, c’est un aspect assez compliqué à vivre. J’ai eu mon premier fils en 2018, maintenant il y a 4 ans. Donc à partir de ce moment, j’ai commencé à réfléchir à une reconversion. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose après ma carrière pour moi, mais aussi pour ma famille. J’ai repris mes études, j’ai fait une école commerce à distance et j’ai été diplômé. Ensuite, j’ai monté un projet de création d’entreprise. Là pour l’instant on est dans la phase de construction, j’espère qu’elle pourra être montée d’ici à septembre prochain. C’est une entreprise événementielle axée sur le sportif pour monter des conférences, des séminaires. On essaie aussi de monter une formation qui sera menée par les sportifs. J’ai aussi été approché par une société et on est en phase de collaborer. D’autre part, il y a eu le club qui est venu vers moi pour me proposer une reconversion au sein du MHR. Je ne souhaitais pas faire partie du staff sportif à part entière : Entraîner où diriger ce n’était pas quelque chose qui me plaît pour l’instant. Là, je vais avoir un poste qui est encore à définir mais qui serait plus dans le relationnel et je vais avoir un rôle au sein du club pour essayer d’approfondir les relations avec les partenaires, avec les clubs alentours, ou avec les collectivités pour justement travailler sur l’image du club. »

Merci Fulgence ! 


20 juin 2022 : Moma-COM